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Paysage intérieur

Anne Bothuon
    annebothuon@free.fr
    93260 LES LILAS
    site

Les personnages sculptés d’Anne Bothuon, un peu plus grands que nature, sont réalisés en toile de coton, en feutre, en fil et en ouate, sur des armatures de fer, le fil creusant, resserrant les chairs, mais aussi dessinant le contour d’une bouche, la forme d’un œil. Ses corps transpercés, ficelés, ligaturés, évoquent des écorchés dans un laboratoire d’anatomie. Ils sont figurés sans complaisance, obèses, callipyges, avec des bourrelets disgracieux, des seins tombants… Aux antipodes des canons d’une beauté que les médias veulent imposer.
     Malgré les visages déformés, sujets à des rictus dont on ne sait s’ils sont de douleur ou des éclats de rire, après une première sensation d’attraction-répulsion, ces êtres trop humains appellent la sympathie et dégagent un curieux mélange de douceur ironique et d’humour aigre.
     Son Paysage intérieur se présente comme une tente dans laquelle le spectateur est invité à entrer et à s’installer. Le visiteur renoue ainsi avec ses pulsions enfantines qui le poussaient à construire des cabanes et à en faire des espaces de jeu à l’écart du monde environnant. Il est invité à s’approprier ce nouveau jardin d’Éden, ce cocon ouaté et douillet qui évoque la douceur et la sécurité du sein maternel. Les notions spatiales habituelles sont renversées. La tente n’est pas dans le jardin mais le jardin est dans la tente…
     Très vite, cependant, la sensation de confort et de sécurité s’émousse… Ce paradis figuré ne peut être qu’un paradis perdu. L’insouciance se mue en inquiétude devant ces personnages qui, bien que joviaux, nous interpellent, peuvent même nous menacer. Le pommier biblique devient simple arbre fruitier, planté dans un camping probablement surchargé en période estivale, avec des individus communs, vulgaires même, à l’image de notre société. Tout se mue alors en une scène d’un théâtre de la cruauté, sans la moindre complaisance, qu’Antonin Artaud n’aurait probablement pas récusée.

LD